Introduction
Face à l’épidémie mondiale d’obésité, qui affecte des millions de personnes à travers le globe, la
chirurgie bariatrique se présente comme une solution de plus en plus envisagée. Considérée comme une intervention lourde, elle vise à réduire la capacité gastrique ou à modifier le parcours alimentaire afin de provoquer une perte de poids significative chez les individus souffrant d’obésité morbide. Parmi les techniques les plus courantes, on compte le bypass gastrique, la sleeve gastrectomie, ou encore la pose d’un anneau gastrique, chacune avec ses spécificités et indications [1].
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) souligne l’accroissement alarmant de l’obésité, qualifiée de pandémie non infectieuse du 21ᵉ siècle, avec un adulte sur trois considéré en surpoids dans le monde [2]. Cette situation grave engendre un intérêt croissant pour des solutions radicales telles que la chirurgie bariatrique, capable de fournir des résultats concrets et durables en termes de perte de poids, mais également d’amélioration, voire de résolution de comorbidités associées à l’obésité, telles que le diabète de type 2, l’hypertension et l’apnée du sommeil [3].
Toutefois, malgré ses bénéfices incontestables, la chirurgie bariatrique n’est pas dénuée de risques et de complications, tant à court qu’à long terme. Les risques opératoires immédiats, les complications nutritionnelles, les éventuelles nécessités de réinterventions, ainsi que les impacts psychologiques post-opératoires requièrent une évaluation rigoureuse des candidats à cette intervention ainsi qu’un suivi multidisciplinaire soutenu [4].
L’engagement des patients dans un changement de mode de vie post-opératoire est primordial pour le succès à long terme de la chirurgie. Ce processus comprend une modification profonde des habitudes alimentaires, une activité physique régulière et un suivi nutritionnel et psychologique continu [5]. Cette introduction vise à poser les bases d’une réflexion approfondie sur les multiples dimensions de la chirurgie bariatrique, soulignant l’importance d’une décision éclairée et d’un accompagnement médical spécialisé pour naviguer entre les bénéfices substantiels et les risques non négligeables de cette intervention lourde.
Les bénéfices de la chirurgie bariatrique
La chirurgie bariatrique, au-delà de son objectif primaire de réduction de poids, offre une multitude de bénéfices significatifs sur la santé et la qualité de vie des patients. Ces avantages, corroborés par de nombreuses études, soulignent l’impact positif de l’intervention sur les comorbidités liées à l’obésité, ainsi que sur l’amélioration globale du bien-être des individus.
Perte de poids significative
Le premier et le plus évident des bénéfices de la chirurgie bariatrique est la perte de poids importante et durable. Des recherches montrent que les patients perdent en moyenne 60 à 70 % de leur excès de poids dans les deux années suivant l’opération [6]. Cette réduction de poids contribue directement à l’amélioration de nombreuses conditions médicales associées à l’obésité.
Amélioration des comorbidités
Diabète de type 2
L’un des bénéfices les plus remarquables de la chirurgie bariatrique est son effet sur le diabète de type 2, avec des études rapportant une rémission chez 80 % des patients opérés [7]. Cette amélioration peut survenir rapidement, souvent avant même une perte de poids significative.
Hypertension artérielle
La chirurgie contribue également à une meilleure gestion de l’hypertension, avec une réduction notable des besoins en médication antihypertensive chez une grande partie des patients [8].
Apnée du sommeil
La perte de poids post-opératoire a un impact positif sur l’apnée du sommeil, avec une diminution significative, voire une résolution complète, de cette condition chez la majorité des patients [9].
Augmentation de la qualité de vie
La chirurgie bariatrique entraîne une amélioration significative de la qualité de vie des patients, qui bénéficient d’une meilleure mobilité, d’une estime de soi renforcée et d’une vie sociale plus active. L’amélioration des conditions de santé et la perte de poids contribuent également à une
meilleure santé mentale, avec une réduction des cas de dépression et d’anxiété [10].
En conclusion, les bénéfices de la chirurgie bariatrique vont bien au-delà de la simple perte de poids, en offrant aux patients une chance de retrouver une santé globale améliorée et une qualité de vie significativement accrue. Cependant, ces résultats positifs doivent être équilibrés avec la connaissance des risques et des nécessités d’un suivi à long terme.
Les risques et complications
Malgré les nombreux bénéfices de la chirurgie bariatrique, il est impératif de considérer les risques et complications potentielles associés à cette intervention. Ces derniers peuvent varier en fonction du type de chirurgie, du profil du patient, et de la période post-opératoire considérée.
Risques immédiats
Les complications immédiates post-chirurgie bariatrique peuvent inclure des infections, des hémorragies, des problèmes liés à l’anesthésie et des thromboembolies veineuses. Bien que la mortalité chirurgicale soit faible, estimée à moins de 0,5 % pour les opérations réalisées dans des centres spécialisés, ces risques demeurent une préoccupation sérieuse [11].
Risques à moyen et long terme
Malnutrition et carences vitaminiques
Une complication majeure à long terme est la malnutrition et les carences en vitamines et minéraux, nécessitant souvent une supplémentation à vie. Les patients doivent être conscients de la nécessité de suivre des conseils nutritionnels spécialisés pour éviter ces carences [12].
Problèmes psychologiques
Des problèmes psychologiques, tels que la dépression et les troubles de l’alimentation, peuvent également survenir ou s’aggraver après la chirurgie, soulignant l’importance d’un soutien psychologique adéquat [13].
Réadmissions et réinterventions
Les réadmissions hospitalières et les réinterventions chirurgicales, bien que relativement rares, peuvent survenir en raison de complications telles que des obstructions intestinales ou des hernies internes. Ces situations requièrent une attention médicale immédiate et peuvent augmenter le risque de complications à long terme [14].
Limites et échecs
Enfin, il est crucial de reconnaître que la chirurgie bariatrique n’est pas une solution miracle. Un petit pourcentage de patients ne perd pas de poids de manière significative ou regagne du poids au fil du temps. Cette réalité souligne l’importance de l’engagement du patient envers un changement de mode de vie durable, en complément de l’intervention chirurgicale [15].
Candidature et préparation à la chirurgie
La réussite de la chirurgie bariatrique ne dépend pas uniquement de l’intervention elle-même, mais aussi d’une sélection rigoureuse des candidats et d’une préparation approfondie avant l’opération. Ces étapes sont cruciales pour maximiser les bénéfices post-opératoires et minimiser les risques de complications.
Critères de sélection
Les critères de sélection pour la chirurgie bariatrique sont stricts et visent à identifier les patients pour lesquels les bénéfices potentiels surpassent les risques associés. En général, la chirurgie est réservée aux patients ayant un
indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 40, ou supérieur à 35, accompagné de comorbidités graves liées à l’obésité, telles que le diabète de type 2, l’hypertension ou l’apnée du sommeil [16]. Une évaluation psychologique préopératoire est également essentielle pour s’assurer que le patient est mentalement préparé pour les changements de vie post-opératoires [17].
La préparation préopératoire
Régime alimentaire et cessation du tabac
Avant la chirurgie, les patients doivent souvent suivre un régime alimentaire spécifique pour réduire la taille du foie et diminuer le risque de complications pendant l’opération. La cessation du tabac est également exigée pour réduire les risques de complications respiratoires et favoriser une meilleure cicatrisation [4].
Évaluations médicales
Des évaluations médicales approfondies sont nécessaires pour s’assurer que le patient est en condition physique adéquate pour l’intervention. Cela inclut des examens cardiaques, pulmonaires, et parfois endocriniens pour identifier toute condition qui pourrait nécessiter une attention particulière [18].
Le rôle du suivi multidisciplinaire
Un suivi multidisciplinaire impliquant chirurgiens, nutritionnistes, psychologues, et parfois endocrinologues est crucial pour préparer le patient à la chirurgie et l’accompagner dans les changements de mode de vie nécessaires. Ce suivi vise à optimiser les résultats post-opératoires et à assurer le maintien à long terme de la perte de poids et de la santé globale [19].
Vie après la chirurgie
La
période suivant la chirurgie bariatrique est marquée par d’importantes transformations, nécessitant un engagement constant du patient envers un nouveau mode de vie. Ces changements, bien qu’exigeants, sont cruciaux pour maximiser les bénéfices à long terme de l’intervention.
Changements alimentaires et style de vie
Adaptation à une nouvelle alimentation
Après la chirurgie, les patients doivent adopter une alimentation équilibrée et fractionnée, en privilégiant les protéines et en limitant les apports en sucres et graisses. L’adaptation à de petites portions est essentielle, car l’estomac ne peut plus recevoir autant de nourriture qu’avant. Une hydratation adéquate et une supplémentation vitaminique sont souvent nécessaires pour prévenir les carences [20].
Nécessité d’exercice physique
L’activité physique régulière est un pilier du succès après la chirurgie bariatrique. Elle contribue à la
perte de poids, à l’amélioration de la tonification musculaire et à la prévention du regain de poids. Un programme d’exercice adapté doit être établi en collaboration avec des professionnels de santé [21].
Suivi médical et nutritionnel
Un suivi régulier avec une équipe médicale spécialisée est indispensable pour surveiller la perte de poids, ajuster les besoins nutritionnels et prévenir les complications à long terme. Ces rendez-vous permettent également de soutenir le patient dans son parcours post-opératoire, offrant un espace pour discuter des défis et célébrer les succès [4].
Impact psychosocial
La chirurgie bariatrique peut avoir un impact significatif sur l’image corporelle et le bien-être psychologique. Des séances de soutien psychologique sont souvent recommandées pour aider les patients à s’adapter à leur nouvelle apparence et à gérer les réactions de leur entourage. Le soutien familial et social joue un rôle crucial dans le
succès à long terme de la chirurgie [22].
Conclusion
En conclusion, la chirurgie bariatrique représente une option thérapeutique majeure pour les patients souffrant d’obésité morbide, offrant des bénéfices substantiels en termes de perte de poids et d’amélioration des comorbidités associées. Néanmoins, il s’agit d’une intervention lourde qui n’est pas dénuée de risques et de complications potentielles, tant à court qu’à long terme [23]. La sélection rigoureuse des candidats, une préparation préopératoire approfondie, et un suivi multidisciplinaire continu sont essentiels pour maximiser les résultats positifs et minimiser les effets indésirables [24].
La vie après la chirurgie exige des changements significatifs et permanents dans les habitudes alimentaires et le mode de vie, ainsi qu’un engagement à long terme envers le suivi médical et nutritionnel [25]. L’impact psychosocial de ces transformations nécessite également un soutien adéquat pour garantir une adaptation réussie à la nouvelle image corporelle et au bien-être général [26].
En définitive, la chirurgie bariatrique ne doit pas être perçue comme une solution facile ou rapide, mais plutôt comme un outil puissant dans la lutte contre l’obésité, nécessitant une motivation profonde du patient et un accompagnement spécialisé pour assurer son succès [27].
Sources
-
- Sjöström, L. et al. (2007). « Effects of bariatric surgery on mortality in Swedish obese subjects. » *New England Journal of Medicine*, 357(8), 741-752.
-
- Organisation Mondiale de la Santé (OMS). (2020). « Obesity and overweight. » [En ligne]. Disponible sur: https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/obesity-and-overweight
-
- Schauer, P. R., Bhatt, D. L., Kirwan, J. P., et al. (2017). « Bariatric Surgery versus Intensive Medical Therapy for Diabetes – 5-Year Outcomes. » *New England Journal of Medicine*, 376, 641-651.
-
- Mechanick, J. I., Youdim, A., Jones, D. B., et al. (2013). « Clinical Practice Guidelines for the Perioperative Nutritional, Metabolic, and Nonsurgical Support of the Bariatric Surgery Patient—2013 Update. » *Obesity*, 21(S1), S1-S27.
-
- Colquitt, J. L., Pickett, K., Loveman, E., et al. (2014). « Surgery for weight loss in adults. » *Cochrane Database of Systematic Reviews*, Issue 8. Art. No.: CD003641.
-
- Adams, T. D., et al. (2007). « Long-term mortality after gastric bypass surgery. » *New England Journal of Medicine*, 357(8), 753-761.
-
- Mingrone, G., et al. (2015). « Bariatric surgery versus conventional medical therapy for type 2 diabetes. » *New England Journal of Medicine*, 366, 1577-1585.
-
- Schiavon, C. A., et al. (2018). « Effects of bariatric surgery in obese patients with hypertension: The GATEWAY Randomized Trial (Gastric Bypass to Treat Obese Patients With Steady Hypertension). » *Circulation*, 137(11), 1132-1142.
-
- Sarkhosh, K., et al. (2013). « The impact of bariatric surgery on obstructive sleep apnea: a systematic review. » *Obesity Surgery*, 23(3), 414-423.
-
- Herpertz, S., et al. (2003). « Quality of life after bariatric surgery. » *Psychosomatic Medicine*, 65(4), 574-580.
-
- Flum, D. R., et al. (2009). « Perioperative safety in the longitudinal assessment of bariatric surgery. » *New England Journal of Medicine*, 361, 445-454.
-
- Aills, L., et al. (2008). « ASMBS Guidelines: ASMBS guideline on postoperative monitoring of micronutrient status in bariatric surgery patients. » *Surgery for Obesity and Related Diseases*, 4(5), 673-684.
-
- Mitchell, J. E., et al. (2015). « Psychiatric disorders in bariatric surgery candidates: A review of the literature and results of a multicenter study. » *Annals of Surgery*, 243(4), 547-554.
-
- Hutter, M. M., et al. (2011). « First report from the American College of Surgeons–Bariatric Surgery Center Network: Laparoscopic sleeve gastrectomy has morbidity and effectiveness positioned between the band and the bypass. » *Annals of Surgery*, 254(3), 410-422
-
- Courcoulas, A. P., et al. (2013). « Long-term outcomes of bariatric surgery: A National Institutes of Health symposium. » *JAMA Surgery*, 148(7), 655-665.
-
- SAGES (2016). « Guideline for clinical application of laparoscopic bariatric surgery. » *Society of American Gastrointestinal and Endoscopic Surgeons*.
-
- Bauchowitz, A. U., et al. (2005). « The importance of patient selection in bariatric surgery. » *American Surgeon*, 71(10), 833-838.
-
- Livingston, E. H. (2006). « Procedure incidence and in-hospital complication rates of bariatric surgery in the United States. » *American Journal of Surgery*, 192(2), 169-177.
-
- Kushner, R. F., et al. (2020). « American Association of Clinical Endocrinologists and American College of Endocrinology comprehensive clinical practice guidelines for medical care of patients with obesity. » *Endocrine Practice*, 22(Suppl 3), 1-203.
-
- Sarwer, D. B., et al. (2012). « Changes in dietary intake and eating behavior in adolescents after bariatric surgery: an integrative review of the literature. » *Obesity Reviews*, 13(12), 1120-1130.
-
- Bond, D. S., et al. (2010). « Exercise improves quality of life in bariatric surgery candidates: Results from the Bari-Active trial. » *Obesity*, 18(2), 277-283.
-
- Faulconbridge, L. F., et al. (2013). « Changes in symptoms of depression with weight loss: Results of a randomized trial. » *Obesity*, 21(5), 921-927.
-
- Chang, S. H., Stoll, C. R. T., Song, J., et al. (2014). « The effectiveness and risks of bariatric surgery: An updated systematic review and meta-analysis, 2003-2012. » *JAMA Surgery*, 149(3), 275-287.
-
- Livhits, M., Mercado, C., Yermilov, I., et al. (2012). « Preoperative predictors of weight loss following bariatric surgery: Systematic review. » *Obesity Surgery*, 22(1), 70-89.
-
- Sjöström, L. (2013). « Review of the key results from the Swedish Obese Subjects (SOS) trial – a prospective controlled intervention study of bariatric surgery. » *Journal of Internal Medicine*, 273(3), 219-234.
-
- Sarwer, D. B., Wadden, T. A., Moore, R. H., et al. (2010). « Prevalence of depression and anxiety before and after bariatric surgery. » *Surgery for Obesity and Related Diseases*, 6(3), 316-322.
-
- Teufel, M., et al. (2013). « Psychological and psychosomatic aspects of bariatric surgery. » *Visceral Medicine*, 29(4), 234-242.
No Comments
Sorry, the comment form is closed at this time.